The Gathering } Paige

Des heures qu'elle se trouvait là, assise dans le confortable sofa d’une époque révolue qu’elle avait fait installer devant la baie vitrée. Les pensées de la vampire au teint d’albâtre étaient tournées vers l’ancien temps. Celui où le sort d’une pauvre famille d’humains n’était pas plus important que celui d’un chien errant. Celui où elle était toute puissante et où les autres créatures de l’ombre lui accordaient le respect qu’elle méritait. Et si ça n’était pas le cas, alors elle les faisait disparaitre. Et qui cela gênait-il ? Personne.
Aujourd’hui et surtout ici, les choses étaient bien différentes… on ne tuait plus sans raison et chasser l’humain conduisait à être chassé par ses pères. Tout cela était navrant. Aria n’avait jamais affectionnés les changements. Elle était de la vieille école et, même si elle était obligée d’évoluer pour ne pas risquer de disparaitre, elle ne comptait pas changer radicalement de style de vie. Pas comme ces traitre à leur sang qui se nourrissait d’animaux sauvages. Si l’on en recensait quelques rares cas il y a deux siècles encore, aujourd’hui, ces idiots se comptaient par centaines. Lamentable.

Poussant un soupir las, la vampire se leva avec grâce pour s’approcher d’une démarche chaloupée et travaillée jusqu’à la vitre aussi froide que sa peau satinée. Observant son reflet à la dérobée, un sourire sardonique étirant ses lèvres d’un rouge sanguin, la vampire laissa de nouveau son esprit vagabonder par delà les bois qu’elle observait sans vraiment les voir. Ses années de gloire, le sang de ses victimes, les visages figés dans une terreur sans noms, les parties de chasses dont elle se délectait… sa rencontre avec Jules… Non. Le temps n’était pas à la rancœur, mieux valait ne plus penser à lui pour le moment. Elle en aurait tout le loisir dans quelques courts instants de toute manière.
Elle n’allait pas tarder. Celle qui jadis avait été sa protégée, son élève, sa camarade de chasse... Aria avait sentie sa présence en arrivant en ville et elle savait qu’il en avait été de même pour Paige. Cette très chère Paige…

Un nouveau soupir emprunt de nostalgie passa les lèvres glacées de la vampire. Elle avait été sa rivale, sa compagne, la source de bien des tracas mais une partenaire remarquable. Aria s’était souvent surprise à regretter son absence. Pas autant que celle de Jules bien évidemment, mais son espièglerie, son goût pour la violence et sa moue effrontée lui avait manqués. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’Aria avait accepté de se rendre à Forks sans perdre une seconde lorsqu’elle avait reçue la lettre de son ancienne amie. Lettre pleine de ressentiments dans laquelle elle lui reprochait de ne pas s’être procuré un téléphone portable comme la plupart des terriens, mais qui avait tout de même gonflée la poitrine de la vampire d’un sentiment curieux qu’elle n’avait plus eu l’occasion d’éprouver depuis fort longtemps. Du plaisir, de l’impatience. Paige pensait avoir retrouvé la trace de son Jules. Elle n’en était pas certaine mais proposait une visite à Aria qui n’avait pas hésité un instant, mourant d’impatience d’en apprendre davantage.

En quelques heures, elle avait réunies ses malles et chargés ses domestiques de lui trouver un logement sur place et d’y faire envoyer ses effets. Une fois son nouveau chez elle fin prêt, elle s’était rendue jusqu’à Forks par ses propres moyens. Deux jours plus tard, la voilà qui bouillonnait d’impatience dans son salon, attendant la visite de son élève qui, comme toujours, se faisait désirer. Comme elle la détestait… Le sourire amusé d'Aria s'élargit. Elle pouvait la sentir maintenant, mieux que jamais. Elle approchait. La vampire demeura silencieuse, ses yeux qui avait vu tant de paysages, de morts et de souffrance restant obstinément dirigés vers la cime des arbres qui bordait sa propriété.
Paige serait là d'une seconde à l'autre maintenant. Cette chère Paige qui lui avait bien manqué toutes ces années...